« L’abaya ». Ce mot, on l’entend de plus en plus, souvent mêlé à des questions d’identité, de mode et parfois de polémique. Pourtant, bien avant d’être associée à des débats, l’abaya est avant tout un vêtement traditionnel féminin porté depuis des siècles dans le monde arabe. Portée dans les déserts par les Bédouines, revisitée par la haute couture, puis adoptée par des milliers de femmes musulmanes dans le monde entier, elle incarne une histoire riche et mouvante. Que représente l’abaya aujourd’hui ? On fait le point dans cet article.
Aux origines : l’abaya, une tenue bédouine avant tout
Bien avant les projecteurs médiatiques, l’abaya était un vêtement du quotidien pour les femmes des tribus arabes nomades. Pensée pour protéger du soleil, du sable et du vent, elle recouvrait entièrement le corps tout en permettant des mouvements fluides.
Confectionnée dans des tissus sobres et souvent foncés, l’abaya servait autant à se protéger qu’à signaler l’appartenance à une communauté. Au fil des siècles, l’abaya a traversé les régions et les frontières.
Des déserts saoudiens aux villes du Maghreb, en passant par les émirats du Golfe, ce vêtement s’est adapté, transformé, et parfois enrichi de broderies, de perles ou de tissus plus raffinés.
Son essence est restée la même : une robe longue, ample, souvent noire, qui couvre l’ensemble du corps à l’exception du visage, des mains et des pieds.
Une tenue aux multiples symboles : tradition, pudeur, style
Porter une abaya ne signifie pas toujours la même chose. Pour certaines femmes, c’est un choix religieux ou culturel, lié à une volonté de modestie dans l’habillement. Pour d’autres, c’est un accessoire de mode à part entière, que l’on assortit avec soin et goût.
Dans les pays du Golfe, par exemple, l’abaya se modernise, se pare de coupes asymétriques, de motifs brodés, ou même de tissus en soie ou en lin. En France et en Europe, l’abaya suscite parfois le débat, notamment lorsqu’elle est portée dans les établissements scolaires.
Mais au-delà des controverses, il faut surtout voir dans ce vêtement un héritage ancestral que certaines femmes revendiquent fièrement, que ce soit pour sa signification spirituelle ou pour son esthétique.
Quelle est la différence entre l’abaya, la jellaba et le hijab ?
On les confond souvent, mais ces tenues n’ont pas le même usage ni la même origine.
- L’abaya : longue robe ample sans capuche, portée principalement dans les pays du Golfe. Elle se superpose aux autres vêtements.
- La jellaba : tunique traditionnelle du Maghreb, souvent mixte, avec capuche et broderies. Portée lors d’occasions religieuses ou festives.
- Le hijab : ce n’est pas un vêtement à proprement parler, mais un voile qui couvre les cheveux et parfois le cou, associé à une tenue couvrante.
Ces différences de forme, de port et de symbolique sont essentielles pour comprendre la diversité des styles vestimentaires dans les pays musulmans.
La mode pudique : un nouveau souffle pour l’abaya
Depuis une dizaine d’années, l’abaya a conquis le monde de la mode. Des créateurs la mettent en avant dans leurs collections « modest fashion », un courant qui promeut l’élégance sans la provocation.
Les défilés de Dubaï ou d’Istanbul rivalisent de créativité, en mêlant dentelle, satin et coupes modernes. Le vêtement traditionnel devient ainsi un support de créativité et de raffinement. Les femmes musulmanes ne sont plus les seules à la porter.
On retrouve des abayas dans des enseignes internationales, adaptées aux saisons, aux goûts et aux tendances. L’abaya n’est plus enfermée dans une identité religieuse stricte. Aujourd’hui, elle constitue presque un choix stylistique assumé dans la communauté féminine.
Un vêtement au centre des débats en France
En France, le port de l’abaya à l’école a suscité une vive controverse, notamment à la rentrée 2023. Le gouvernement a décidé d’interdire son port dans les établissements scolaires publics, estimant qu’il s’agit d’un vêtement religieux prosélytique incompatible avec le principe de laïcité.
Cette interdiction a provoqué une réaction en chaîne : manifestations, communiqués d’associations, échanges tendus sur les plateaux télé. Pour certaines jeunes filles concernées, cette mesure est perçue comme une stigmatisation, une restriction de liberté.
Pour d’autres, elle protège un cadre laïc nécessaire. Loin de trancher, l’abaya devient ainsi un symbole de crispations culturelles et politiques.
Entre appropriation, revendication et libération vestimentaire
Ce vêtement suscite une question profonde : peut-on choisir librement ce que l’on porte, quand cela ne rentre pas dans les codes majoritaires ? Dans de nombreux cas, les femmes qui portent l’abaya le font par choix.
C’est une manière de rester fidèle à ses valeurs, tout en affirmant une identité vestimentaire unique. Il existe aujourd’hui des abayas sportives, d’autres de soirée, et même des abayas de grossesse.
A savoir : l’abaya est une pièce caméléon, entre tradition et innovation, qui dérange autant qu’elle fascine.
Comment bien porter une abaya aujourd’hui ?
La clé, c’est de savoir adapter l’abaya à son environnement tout en respectant sa fonction. Quelques conseils pratiques :
- Optez pour une matière fluide et légère si vous la portez en été ; le lin ou la mousseline sont idéals.
- Choisissez une coupe structurée si vous souhaitez un rendu moderne : abaya kimono, fendue sur les côtés, avec manches chauve-souris, etc.
- Accessoirisez subtilement : une ceinture pour marquer la taille, des sandales plates, un sac assorti, ou un voile dans les mêmes tons.
L’abaya moderne n’est plus un vêtement figé. Elle s’adapte à votre style, votre quotidien et vos envies.
L’abaya : entre continuité historique et modernité revendiquée
Si l’abaya suscite autant d’interrogations, c’est parce qu’elle est bien plus qu’un simple vêtement. Elle porte en elle des siècles de traditions, des significations spirituelles, mais aussi des évolutions sociétales récentes. Elle cristallise parfois les tensions, mais elle reste avant tout le reflet d’une identité féminine en mouvement.
Qu’elle soit portée pour des raisons religieuses, culturelles ou stylistiques, l’abaya est devenue un symbole fort, en perpétuel renouvellement.